- Vous :Vous parlez d'inspiration, de rédaction ... mais pas un mot sur le roman lui-même.
- Moi :Je ne dévoile jamais le sujet ni l'histoire d'un livre avant de l'avoir terminé.
- Vous :Pourquoi ?
- Moi :Parce que tout ce qu'on pourrait me dire risquerait de m'influencer.
- Vous :Alors pas d'extrait, même pas quelques lignes ?
- Moi :Non.
- Vous :Pourquoi parler d'écriture alors, si personne ne peut lire ce que vous écrivez ?
- Moi :Il y a texte et contexte. Ce que je veux bien donner à lire, c'est le contexte ; c'est à dire tout ce qui se passe autour de l'acte créatif. Le sentiment d'urgence, le stress de la page blanche, la fatigue, les blocages, les impasses, l'exaltation ... Les coulisses de l'acte créatif en quelque sorte.
- Vous :Est-ce que c'est si important ?
- Moi :Oui. Cela me permet de marquer les étapes de mon cheminement. Cela me permet aussi de créer une ambiance : musicale, photographique, ce qui rejoint un désir de longue date : faire un film à partir d'un de mes romans.
- Vous :Quand on écrit, on se fait un film dans sa tête non ?
- Moi :Oui. On se fait un film jusque dans sa vie (rire).
- Vous :Comment ça : jusque dans sa vie ?
- Moi :On devient son personnage. On éprouve ses sentiments. On vit ses épreuves. Et s'il meurt, on meurt.
- Vous :Un peu dangereux non ?
- Moi :C'est ça, écrire. C'est risquer, à chaque souffle, l'aliénation. Je crois profondément que tous les écrivains sont schizophrènes d'une certaine façon.
- Vous :Ils entendent des voix ?
- Moi :Qu'ils ne reconnaissent pas forcément comme étant leur propre discours. De même, ils disent "je" au nom de plusieurs personnages de fiction. "Je" fait le jeu de l'auteur. Il change d'identité et de destin à chaque fois qu'il créée.
- Vous :Alors, qui êtes-vous vraiment ? Est-ce que vous le savez ?
- Moi :Non. Je crois ne l'avoir jamais réellement su (rire). C'est ça aussi pour moi, écrire : une quête d'identité.