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Le blog de Thaddée

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Les Noires

Publié le 11 Janvier 2016 par Thaddée in Récits Petits mystères au quotidien

Rêve que j'ai fait dans la nuit du dimanche 10 janvier au lundi 11 janvier 2016

Les Noires

Je travaille à l'étude, et ça depuis plusieurs années, dans la même école blanche juchée au sommet d'une côte. C'est un job d'appoint qui me dépanne pas mal. Je ne m'y rends pas avec une régularité exemplaire. Mais tout de même j'y ai fait mon trou. Les profs, le directeur, ont besoin de mes services. Ils me connaissent, et reconduisent tacitement mon contrat.

Certaines années je n'y vais pas du tout. En ce moment, on m'y voit souvent. J'ai besoin de travailler, et je me félicite d'avoir cet emploi.

Je me suis même fait une copine avec laquelle je partage la charge énorme de faire se tenir tranquilles des dizaines d'enfants pas toujours très disciplinés. A deux, on s'en sort plutôt bien. On arrive à les cadrer dans un climat de bonne humeur et de détente.

Ce jour-là, je vois passer derrière la grille de l'école une bien étrange famille. Le père est un homme de petite taille, fier comme Artaban, qui gonfle le poitrail d'orgueil et de contentement. Il faut dire qu'il est accompagné par une femme telle que je n'en ai jamais encore vue. Elle est noire, mais la peau de son visage, violette et lustrée, se couvre de reflets d'or. Elle est réellement surnaturelle et magnifique. Même ses rides, fines et profondes, contribuent à la rendre sublime.

Son image me reste en mémoire plusieurs jours durant jusqu'au jour où ma collègue et moi nous marchons au fond de la cour, là où le sol n'est pas goudronné. Des baraquements s'entassent derrière un lopin de terre où poussent vaille que vaille des mauvaises herbes et des fleurs cultivées. C'est un endroit charmant qui nous sert de cachette secrète lorsque d'aventure ma copine et moi nous avons envie d'échapper à la surveillance discrète des profs et à la turbulence des gamins.

Alors que nous nous promenons en bavardant gaiement, soudées comme nous sommes depuis notre rencontre, surgit contre le mur au fond de la cour une vision des plus inattendues. Une femme avec un tout petit enfant dans les bras piétine la boue tout argentée des plates-bandes laissées pour compte. Elle porte d'incroyables chaussures à si hauts talons que personne à part elle ne pourrait tenir dessus. Mais encore, elle est entièrement revêtue de pièces de tissu brunâtre qui renforcent le troublant mystère émanant de sa personne. Et son visage, à nul autre pareil, est d'une beauté renversante : bleu-noir et brillant, déchiré par des yeux d'une splendeur sans égale, à part peut-être les plus purs joyaux qui puissent exister sur cette Terre.

Pixabay, Images gratuites

Pixabay, Images gratuites

Et, portée par un entêtement forcené dont elle contrôle à merveille le rythme et le poids, elle enfonce méthodiquement dans la terre glaise, imprégnée d'eau, la très longue aiguille effilée fixée sous chacune de ses chaussures, à l'extrême opposé du talon. L'exercice périlleux dont le sens nous échappe la fait tomber à genoux plusieurs fois de suite. Elle se relève et recommence.

- Qui es-tu, lui demandons-nous, et que fais-tu.

Alors, ainsi qu'un mirage terrifiant, son regard se fige et nous perce de part en part. Il faut y voir que ce n'est pas une femme, mais que c'est un homme qui, brusquement, sans explications, tourne les talons pour s'éclipser comme une étoile filante dans un éblouissement furtif de poussière dorée.

Je voudrais le rattraper !

Ma copine me retient fermement par le bras.

- Laisse, m'ordonne-t-elle. Tu vois bien qu'il est parti. Et quoi que ce soit, je crois que c'est très dangereux.

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