Mieux vaut écrire pour soi et ne pas avoir de public plutôt que d'avoir un public et ne plus être soi-même.
Mardi 24 mai 2016 - Cette phrase, entendue hier, m'a fait l'effet d'une révélation. Tant de fois l'on m'a répété pour tenter de m'en persuader qu'on écrivait pour être lu ! - Et moi, depuis quarante ans, j'entassais mes précieux manuscrits dans les cartons, les malles et les secrétaires. Au bas mot, j'ai dû écrire quelque chose comme une centaine de romans ; une trentaine de nouvelles ... et d'innombrables poèmes que j'ai mis en ligne sur mes blogs successifs.
En 2007 j'ai pris conscience qu'il n'était pas très gratifiant d'écrire dans ma tour d'ivoire si bien fortifiée messieurs-dames que n'en sortait aucune syllabe. J'ai commencé à écrire de la poésie pour m'adapter au mini-format littéraire du blog. En effet, publier de longs textes sur son blog est un rien rébarbatif pour les visiteurs ; à la longue, j'ai également compris que cela représentait un danger pour soi de mettre à disposition sur son blog des romans qu'on a écrits ; on court le risque de se les faire voler.
En 2009, un peu "sous la pression" de quelques personnes désireuses de me voir éditer ma production, je décidai de m'auto-éditer sur le site The Book Edition. Du jour au lendemain je matérialisai ainsi mon récit "Fragments d'une vie brisée" et mon premier recueil de poèmes "Crypties". J'ai vendu bien quelques exemplaires du premier ; le second n'a pas atteint les cinq ventes.
Avec le recul, je pense que c'était une sage décision, puisque l'auto-édition m'a permis de faire lire ma littérature à mes proches. J'ai concrétisé quelque chose, et c'est plutôt libérateur. Par contre, je me demande si j'ai toujours été moi-même en écrivant des poèmes sur mon blog, je me demande si j'ai toujours été intègre, et je sais que non.
Montrer mes poèmes, et je dirai même : écrire des poèmes pour qu'ils soient lus, m'a appris à crypter mon écriture car je ne voulais pas qu'il soit trop facile pour mes lecteurs de saisir le sens de ce que j'avouais. J'ai adopté les jeux d'ombre et de lumière et surtout, sur les blogs, j'ai joué à fond le dédoublement de personnalité. Ma part sombre, fut un temps, a tout envahi, jusqu'à ma vie privée.
Plus tard, en 2010-2011, je pratiquai l'auto-psychanalyse en rédigeant une enquête très poussée sur un événement traumatisant du passé. J'ai si bien réussi que le démon qui m'inspirait est mort dans l'opération.
Aujourd'hui, j'ai un mal fou à écrire.
Récemment j'invoquais le manque de temps : je ne nie pas que ce soit un facteur important de ma panne sèche. Longtemps j'ai cru aussi qu'en tuant mon démon j'avais tué Thaddée Sylvant. Mais l'explication me semble être ailleurs, dans le mécanisme même des blogs et de l'écriture en direct.
Le fait de savoir que vont me lire des gens qui, depuis quelques mois, voire quelques années, commencent à bien me connaître, fait obstacle à ma créativité. J'ai peur, vous comprenez. Peur qu'en laissant remonter à la surface toute cette noirceur qui stagne en moi, j'effraye mes lectrices et lecteurs. Peur qu'inopinément, un membre de ma famille, une collègue, une amie, tombe sur mes écrits. Peur aussi qu'à mon insu, les choses ne sortent pas comme elles devraient sortir, et se travestissent pour avoir le bon goût de plaire.
Il me semble aussi, quand je prends le temps d'y réfléchir, que la poésie n'est pas l'espace propice à mon inspiration, qui a besoin de vastes espaces pour s'épanouir et se fortifier. Quelques minutes d'un poème, sauf exception, ne vaudront jamais des semaines et des mois de rédaction littéraire. Et nous savons tous que l'on n'écrit pas un roman sur un blog. Mieux : on n'écrit pas un roman pour les autres, même si se profile à l'horizon l'idée vaniteuse et stupide d'en faire un best-seller.
A vingt ans je voulais être Rimbaud. A trente, je convoitais un Prix (j'ai reçu 2 fois le Prix Pégase). Aujourd'hui, j'envie Stephen King. Mais surtout, je n'attends plus rien. Ni gloire, ni fortune. Je veux juste écrire ce qui me vient à l'esprit, le jeter sur le papier comme ça me vient, et bien sûr je veux le faire dans mon coin.
Samedi 28 mai 2016 - J'ai écrit cet article _▲_ le 24 de ce mois sans oser le publier (on se demande pourquoi). Pourtant, Dieu sait que tout ce que j'y raconte me remontait des tripes. En ces jours de doute (est-ce que je pourrai écrire de nouveau, est-il bien utile que je poursuive la rédaction de ce blog, ne vaut-il pas mieux que je m'ouvre un compte sur Facebook pour gagner du temps ...) deux personnes se sont inscrites à mon blog, ce dont je les remercie, car ces deux inscriptions me redonnent espoir et courage.
Je viens d'explorer le blog de Coralie _▲_ qui s'est abonnée à mon blog. A sa lecture j'avoue ne plus avoir éprouvé la moindre hésitation quant à la publication (différée) de cet article. En effet son blog Esprit Vagabond galvaniserait le plus apathique des écrivains ratés. Le ton, je le trouve d'une fraîcheur revigorante. En outre, elle pose sa voix sur les articles qu'elle met en ligne, autrement dit elle en fait un enregistrement audio, fait rare sur les blogs et d'autant plus précieux. Mais encore elle s'interroge sur le pourquoi du comment elle éprouve le besoin d'écrire, recherche l'origine de cette irrésistible envie d'écrire, et moi j'aime beaucoup ça que les gens qui écrivent se posent des tas de questions sur leur écriture. En plus de ça, son blog est une mine de renseignements pour ceux qui, comme moi, connaissent la panne sèche également nommée syndrome de la page blanche. Ainsi, je vous recommande chaudement son article intitulé : A la recherche de lecteurs.
Dans cet article elle donne plusieurs liens de sites sur lesquels on vous lira, et même on corrigera vos fautes d’orthographe, de syntaxe et de grammaire ! Tout ça pour dire que le blog de Coralie c'est un rayon de soleil au pays de ceux qui traversent l'épreuve non pas de la page blanche, mais du pavé blanc, et franchement, sa découverte tombe à pic en ces moments de grand découragement.