En dépit de tous ses soucis, Odile Masquelier va bien, Odile Masquelier fait aller. C'est pourquoi, même si l'une de mes premières pensées en me réveillant ce matin fut pour mon cher jardin menacé de disparition, je vais m'efforcer de donner à la suite de ma promenade au Jardin de La Bonne Maison une note, sinon plus joviale, du moins plus apaisée. Je n'oublie pas qu'hier, en entrant dans l'enclos verdoyant, je m'exclamais à chaque pas, découvrant avec surprise, admiration, des fleurs, des feuilles, de l'herbe où, quinze jours plus tôt, il n'y avait presque rien.
J'ai beaucoup à vous montrer cette fois. Je vous disais hier que c'était sans doute à cause de l'annonce que m'a faite Odile Masquelier de la fermeture prochaine du Jardin de La Bonne Maison, mais en y réfléchissant c'est aussi parce que je n'avais encore jamais vu le jardin en cette saison, juste à l'instant magique où la nature éclate comme un stupéfiant feu d'artifice. Et c'est sans compter ces poteries, statues, colonnes et souches qui jalonnent allées et pelouses, conférant au jardin son caractère bien trempé de jardin qui ne connaît pas l'ordre et n'écoute que ses propres impulsions par moments fort insolites, j'aurai l'occasion d'en reparler.
Je vais vous raconter une histoire étonnante. Odile Masquelier a chez elle des arbres à branches tortueuses. Je ne sais plus s'il s'agit de hêtres tortillards ou d'une autre espèce. Toujours est-il que les arbres plus petits qui poussent à proximité, par un effet de mimétisme tout à fait incroyable, enroulent eux-même leurs branches et font comme les grands. C'est une particularité des végétaux qui a été non seulement observée, mais reconnue comme étant un fait incontestable. On sous-estime les plantes et les arbres, capables de "reconnaître" auprès d'eux une forme, une couleur, une espèce. Ainsi, toutes les pantes ne se trouvent pas à leur aise à la place qu'on leur a choisie. Il convient de les déménager jusqu'à ce qu'elles se sentent bien.
Parmi toute une série de photos, il y en a toujours une ou deux qu'on préfère. Quelquefois on s'en rend compte en la prenant. D'autres fois, en la voyant apparaître sur l'écran de l'ordinateur. Celle-ci fait partie de mes heureuses surprises quand je l'ai découverte à l'écran. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien.
C'est sur ce tableau poétique d'un arbre en fleur que se termine le premier volet de notre reportage sur le Jardin de La Bonne Maison aux premiers jours du printemps. Suivront des vues inédites qui, je l'espère, vous raviront autant que moi quand j'ai posé mes yeux dessus. La plupart de ces photos ont été prises en compagnie d'Odile Masquelier qui me faisait une visite commentée du jardin, refermant une porte qui n'aurait pas dû rester ouverte, arrachant ici et là les fleurs fanées, relevant une pancarte oubliée dans l'herbe, ramassant une petite brassée de plantes flétries pour aller les déposer dans une corbeille. A bientôt, donc, pour la suite.