Soucieux de la précision scientifique dans ses évocations du futur de la société humaine, Monteleone évolue du pessimisme cataclysmique au lyrisme spatial avec une rare force de conviction.

La dernière cité au monde, la ville ultime, Chicago, se dressera encore sur Terre dans cent mille années.
Mais, entre-temps, l'homme se sera transformé. Au-delà de tout espoir, dépassant aussi ses plus noirs cauchemars...
Link, l'homme devenu vaisseau de l'espace, revient sur Terre pour retrouver la solitude.
Dans les cuves biologiques, des Hôtes-Mères procréent à la chaîne.
Des armes cataclysmiques effacent aux trois quarts. la civilisation.
Les siècles redessinent une autre vie.
La ville est un robot immense, un tyran électronique qui a totalement asservi ses habitants.
Ailleurs, pourtant, dans les déserts de l'Europe et les décombres de l'Asie, des colonies survivent librement, sauvagement.
Et, quelque part dans la Voie lactée, on songe à réclamer à la Ville le tribut de l'humanité.
Un roman inédit qui est la chronique dramatique et lyrique de cent mille années d'un avenir possible.
Source : Le Livre de Poche
Il se trouve que depuis quelque chose comme trois semaines notre boîte à livres qui débordait au sens propre du mot s'est soudain trouvée pratiquement vidée de son contenu, mis à part quelques bouquins récalcitrants qui s'y sont pour ainsi dire enracinés. Parmi ces livres "qui ne veulent pas disparaître" je remarque à plusieurs reprises ce titre qui m'attire, sans toutefois me décider à l'emprunter. Puis un beau jour je craque, en songeant que lui aussi, à son tour, pourrait bien partir sans jamais revenir. Alors je le prends ... et c'est une vraie bonne surprise.
Ce roman, c'est : une collection de petits livrets, de petites histoires, extraits de vies humaines éphémères, en apparence dérisoires, parce que inachevées, mais au combien nécessaires, essentielles à la construction de l'humanité, tels les innombrables mais irremplaçables maillons d'une chaîne sans début ni fin. Il y a Link l'homme-vaisseau, le père Patrilli, Benjamen Cipriano et Feraxya, Hôte-Mère ...
Techniquement parlant, Feraxya était humaine. Mais visuellement, c'était une chose amorphe, visqueuse, semblable à une amibe. Tonnes de chair produite par culture génétique, corps humain boursouflé, étiré, distendu, jusqu'à ce qu'il ait atteint plusieurs fois sa taille normale. Perdu sous cette abondance de chair, un squelette atrophié flottait, déconnecté et immobile dans une mer gélatineuse. Ses organes bioniques étaient parvenus à des proportions gigantesques et des centaines de litres de sang étaient charriés par son système circulatoire étendu.
... Miria Soltan et Alen Kinert, Taggart et le vieux Pérégrin ... petits bouts d'existence éparpillés sur des milliers et des milliers d'années jusqu'à ce que tous ces fragments épars se trouvent et s'unissent pour former ce qu'on pourrait appeler le destin de l'humanité. L'homme-robot n'est plus très loin de l'homme préhistorique. Le robot s'interroge, alors que l'homme est devenu trop stupide pour se poser encore des questions. Sur eux, veille Chicago, la Cité, sous son dôme rougeoyant. C'est une Intelligence Artificielle qui, des centaines de milliers d'années après l'extinction programmée de l'homme, entretient encore ses routes et respecte le cycle des jours et des nuits, pourquoi, pour qui. Chicago, dont on ne sort pas vivant parce que Dehors, il y a les sauvages et les lézards géants.
Ce livre, c'est bien plus qu'un roman de science-fiction. C'est une réflexion profonde, amère et désabusée sur le devenir de l'homme et la domination des machines. C'est aussi le chant universel de tout un peuple asservi qui s'élève jusqu'aux plus lointaines étoiles. Là-bas, très loin, au-delà de tout ce qu'on est en mesure d'imaginer, il y a de l'espoir ; il y a de possibles lendemains ...
Et ces créatures qu'on a trouvées flottant comme des zeppelins dans les gaz de Jupiter ? Que savent-elles du Péché Originel ? De Satan ? Du Christ ?
J'ai dévoré ce livre, tranche de vie par tranche de vie, sans me lasser, presque en état d'hypnose. J'y ai relevé des inventions bluffantes, comme celle qui suit :
En chemin, elle ajusta sa robe - une culture organique qui formait un film liquide sur son corps, reflétant une lumière diffuse, couleur tilleul.
Mais ce qui m'a le plus accrochée, je crois, ce sont ces "états de conscience" chez des êtres a priori dépourvus d'une quelconque sensibilité. L'homme-vaisseau qu'on débranche et qu'on défait de l'espèce de sarcophage qui renferme son corps depuis des lustres, le robot Pignon confronté au mystère de l'essence humaine puis à sa mort physique, la sensation de manque de la Cité robotisée ... qui se sentent mourir, alors même qu'ils ne sont pas en vie.
Un livre mélancolique sur la fragilité de la condition humaine, en proie aux exigences d'une société de plus en plus déshumanisée. Et puis ce temps qui passe, inexorablement, emportant comme fétus de paille ces petites existences humaines, les éteignant comme de minuscules flammes au milieu des ténèbres intersidérales seulement éclairées par le mystère des étoiles. L'homme, automatisé, mécanisé, pris entre l'écrasante domination de la Cité toute-puissante et le monstrueux grondement de l'espace. Entre les deux, ne sont plus qu'air modifié, terre stérile, animaux mutants. Ce n'est pas la fin du monde c'est pire, puisque il reste toujours quelqu'un, même une machine, pour voir de ses yeux l'impensable incohérence d'une Intelligence Artificielle repliée sur elle-même, qui joue avec les hommes, et qui devient, à la fin, la proie des hallucinations ...