S'il y a quelque chose que je détestais à l'école (hormis les maths) c'est l'analyse de texte. Franchement, ça me posait un problème d'aller disséquer un poème de
Rimbaud comme on ferait d'une pauvre grenouille. Il fallait se questionner sur certains termes employés, mettre à jour leur signification cachée, balancer le rythme et les rimes, procéder à des
relectures académiques au terme desquelles il ne restait du pouvoir dangereux de ces poésies qu'un pauvre corps écorché, toutes entrailles à l'air, archi-mort et sali par le viol.
Et qu'est-ce que je fais, moi, depuis quelques années ? - Je publie une partie de ma littérature sur les blogs. Autant dire que je l'expose à la dissection
quotidienne et sans pitié. Je la livre, non sans réticence, aux avis divers et variés ; aux jugements pas toujours à-propos ; même aux notations implicites. Quand je donne un poème à lire c'est
moi qui prête le flanc (très audacieux mais très masochiste comme attitude) aux brûlures d'ortie.
Soit qu'on ne me comprend pas : c'est ce qui peut m'arriver de mieux, le mystère dont s'enveloppe frileusement le poème reste intact. Soit on me comprend
trop, j'entends par là qu'on se préoccupe de l'état mental de l'auteur et non pas de la valeur formelle du poème. Soit on me conseille de réécrire mes poèmes en essayant d'enjoliver les choses,
autant dire : proposer une version passe-partout du meilleur des mondes. Soit on passe en vitesse sur les quinze lignes de texte pour m'écrire en vitesse que c'est vraiment magnifique.
Auteur trop proche de son lectorat. Lectorat trop proche de l'auteur. Cette intimité-là gâche l'authenticité, la spontanéité du commentaire. On n'est pas lucide
quand on aime. A contrario, ces critiques et ces conseils qui tuent. Ces questions butées sur mon style, mon hermétisme, mon pathos, ma tendance à tout dramatiser, mon ego susceptible et
pessimiste, mon chuintement de chat écorché.
Mais alors que faire. - Renoncer à publier mes écrits sur ce blog ? Retourner à l'obscur et consciencieux gribouillage de mes pages blanches ? Rompre aussi sec avec
le public qui, s'il me pose des problèmes par ses fonctions de voyeur et de juge, ne m'encourage pas moins à poursuivre mon ouvrage ?
Fermer l'écriture littéraire aux commentaires ? - Ma foi. Cela ne reviendrait-il pas à radoter tout seul dans son coin ? Franchement, à quoi sert de montrer de
belles tomates sur son étal si personne n'a loisir de s'exclamer : "Mais qu'elles sont grosses ces tomates ! " ou bien : "Elles sont un peu cabossées ces tomates" ou encore : "Moi j'aime pas les
tomates, je préfère les haricots verts" ou même : "Elles sont bio tes tomates ou c'est encore de la merde bourrée de pesticides ?"
Et plus je développe mon idée... plus je me rends compte que je ne peux pas me passer de vous. Alors je vous laisse la parole. Caressez-moi, cassez-moi, c'est du
pareil au même. J'ai besoin qu'on me lise.
PS - Et je vais vous faire un aveu : personnellement, je ne sais pas du tout commenter la littérature des autres. J'ai toujours l'impression de m'aventurer en
terrain privé. De forcer le barrage de l'intime. Et de faire ingérence en y allant de mon pauvre petit avis perso qui n'est, bien souvent, que la pâle et futile redite de ce que vous avez si bien
dit.