C'est l'été, on en profite ! De très bonne heure ce matin, au moment où la lumière est la plus vivante et la plus expressive, j'ai enfourché mon vroum-vroum direction les quais de Saône. Comme chaque fois que je la retrouve, la beauté spectaculaire de Lyon me stupéfie. Si vous en avez l'occasion, venez voir cette ville. Prenez le temps de la visiter, de flâner dans son vieux centre aux ruelles pavées. Surtout, promenez-vous le long des quais, face à Saint-Jean, vous ne l'oublierez jamais, et cela fera peut-être partie de vos plus beaux souvenirs.
J'ai plaisir à répéter que la lumière, à Lyon, est la même qu'à Prague. Je ne connais pas Prague, sauf par ouïe-dire, mais je veux bien le croire. Cette lumière, à elle toute seule, est une palette de couleurs. Et d'une transparence telle qu'on a la sensation de s'y baigner. Limpidité de l'air, du moins visuellement, qui conjure la pollution des grandes métropoles. Non, tout n'est pas perdu. Ce n'était pas mieux avant. Il suffit de regarder pour avoir la preuve qu'il y a quelque chose d'immortel dans ma belle Lugdunum, ma ville d'adoption.
Je n'ai pas trafiqué les couleurs, ni le contraste, ni rien du tout. Vous avez sous les yeux ce que j'ai vu de mes yeux vu très tôt ce matin. Moi-même je n'en reviens pas. Je reçois un coup au cœur chaque fois que je contemple cette clarté prenante qui vous gicle au visage comme un souffle de liberté. J'habite la région lyonnaise depuis trente-cinq ans. J'ai même habité le coeur même de Lyon pendant plusieurs années. Lorsque je reviens ici, je considère avec un immense soulagement, une infinie reconnaissance, que rien n'a changé.
Et cette sensation d'espace, à nulle autre pareille, qui vous donne à respirer le simple miracle de vivre. On est gagné par l'ivresse de l'oiseau en vol. Il semblerait qu'on puisse, comme lui, s'élancer des passerelles et raser la surface de l'eau du bout des ailes. Il semble, ici, que plus rien d'autre n'existe en termes de tracasseries quotidiennes et de déceptions. Il me semble même qu'il ne me laissera jamais partir, mon amour de ville, mon bien-aimé Lyon. Quand j'ai le bonheur de le revoir, je me prends à jouer du violon ...
Lumière orageuse et terriblement physique pour le plaisir toujours renouvelé d'habiter l'une des plus belles villes du monde. Je me souviens du jour où mon père et moi nous sommes arrivés là. Il m'expliquait le chemin que je devais prendre pour me rendre de la fac au foyer. J'avais vingt ans. Je venais à Lyon poursuivre mes études. Et c'est à cet instant précis que je me suis laisser submerger par la splendeur de la vue qui prenait toute la place sous mes yeux stupéfaits. Mon père, lui, ça faisait bien longtemps qu'il était amoureux de Lyon, et j'aime à penser qu'un de ses plus grands bonheurs sur cette terre fut l'occasion, pour ma famille et moi, de nous y installer.
Par moments, je me sens infidèle. Je voudrais partir. Recommencer une nouvelle vie ailleurs. Je rêve d'autres horizons. Mais quand je descends à Lyon, je n'ai plus aucun doute sur l'endroit où je veux être. Parce que c'est ici chez moi. Et peut-être y resterai-je pour toujours. Je satisferai ma soif d'ailleurs en m'offrant de petits virons de droite et de gauche, du Nord au Sud. Mais, toujours, me semble-t-il, j'entendrai l'appel de ma bonne vieille Lugdunum qui me suppliera de rentrer à la maison.
Je vous souhaite à toutes, à tous, un beau dimanche. Jour de prière pour les uns, de promenade et de repos pour les autres, de solitude aussi pour les personnes invalides, souffrantes, âgées, dimanche est un jour que l'on qualifie volontiers de jour mort. Alors profitons-en tant que nous pouvons. Il y en a tant qui voudraient bien sortir et qui ne peuvent plus. Et quand la vie se referme comme un livre, qu'il est déjà trop tard pour faire toutes les choses qu'on aurait pu faire avant, c'est bien triste d'avoir des regrets. Faire tant qu'on peut ! - C'est la clé du bonheur. La vie, c'est une fabrique à souvenirs ..