Je ne vais pas vous tenir en haleine plus longtemps. Je vous avais prévenus qu'il y aurait une mauvaise nouvelle à la clé ... la voici : le Jardin de La Bonne Maison vit peut-être ses dernières heures. En effet Odile Masquelier et son mari arrivent à l'âge où il leur devient difficile d'entretenir un jardin de 9500m2, et payer des jardiniers revient cher. La conférence du jeudi du 6 avril 2017, qui devait retracer l'historique du jardin, évoquera son avenir menacé par une charge financière trop lourde.
Vous m'objecterez : oui mais il est classé jardin remarquable ! Eh bien, en termes de soutien financier, ça n'apporte rien de rien. Et c'est bien là que le bât blesse. Je vous le disais dans un article récent, le Jardin de La Bonne Maison et l'Aquarium sont les deux richesses et curiosités de La Mulatière. On peut à juste titre s'interroger sur l'indifférence de la commune à l'égard de ses centres d'intérêt. L'Aquarium a failli disparaître ; il a été sauvé in extremis. Qu'en sera-t-il pour le jardin d'Odile Masquelier ?
Bien sûr, Odile Masquelier cherche une solution. S'il ne s'en présente pas qui puisse régler son problème financier, le jardin auquel elle se dévoue corps et âme depuis 1966 n'a plus que quelques mois à vivre, et pourrait bien disparaître avant la fin de l'année. C'est quelque chose qui me navre, qui me navre tellement, que si l'on continue à massacrer de la sorte mon environnement je ne vais pas faire de vieux os dans le Rhône même si, me direz-vous, c'est partout pareil, on bousille des quartiers résidentiels et leurs villas et jardins pour implanter à la place des immeubles à trois étages, c'est tellement plus lucratif.
Si le Jardin de La Bonne Maison venait à disparaître, ce n'est pas seulement 50 ans de recherches et de travail qui partiraient en fumée, ce n'est pas seulement l'oasis de bonheur et de liberté que pratiquent les visiteurs venus de tous les horizons, mais tout un savoir, un savoir-faire, un sens artistique qui font d'Odile Masquelier et de son jardin extraordinaire ce qu'ils sont. Moi, dès mon arrivée ce matin à 09:30, ce qui m'a sauté aux yeux c'est tout ce vert. En quinze jours seulement le jardin s'était métamorphosé ! Et c'est ça aussi qui va partir aux oubliettes, non seulement la science d'une femme hors du commun, mais aussi l'incroyable vitalité, l'incroyable fidélité de la nature qui pour rien au monde ne nous priverait de ses mille printemps.
Je ne sais pas si c'est à cause de l'annonce de sa fin prochaine, mais j'ai pris du jardin environ 200 photos. Je ne les mettrai pas toutes en ligne. Il y a des ratés. J'ai fait aussi pas mal de doubles pour m'assurer une bonne lumière, des couleurs authentiques et riantes, un bon angle de vue. Je voudrais par dessus tout que mes photographies restituent l'infinie poésie de ce jardin sauvage et vivant, qui se plaît à s'inspirer des jardins anglais.
Quand je viens ici, j'oublie un moment que maman me manque. Je ne me pose plus de questions sur le sens de la vie. J'ai juste envie de sentir, de marcher, de courir, et de remercier Odile Masquelier pour l'oeuvre d'une vie qu'elle partage si volontiers avec d'autres, botanistes ou pas, journalistes ou pas, photographes ou pas ; Odile Masquelier qui m'a donné une heure et demie de son temps, qui donne sans compter, et qui trouve encore le moyen de me remercier en m'expliquant que chaque fois qu'elle fait une visite commentée de son jardin, elle apprend quelque chose. J'aimerais que vous ressentiez ce que je ressens chaque fois que je me perds dans ce jardin ; ce que j'éprouve à la pensée qu'il va peut-être mourir. Lui aussi.