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Le blog de Thaddée

"Ce qui parle le mieux de nous, ce n'est pas ce que nous disons, c'est ce que nous faisons. Je fais des livres qui parlent de moi sans le dire." TS | Actualité OB Kiwi et plates-formes de blogs, Déco blogs, Balades à Sète, Chroniques lyonnaises et fidésiennes, Escapades, Histoires de chats et d'oiseaux, Littérature, Photographie, Société, Poupées, Tricot, La vie ... Communauté : "Victor & Victoria", esprit shabby chic, romantique et cosy.

Amor, 1ère partie Chap. II (suite 2)

Publié le 10 Octobre 2010 par Thaddée Sylvant in Roman 2010 Amor

 Les hommes habités sont de terribles prédateurs.

 

- Est-ce que je pourrais avoir au moins une table, une lampe, et de quoi écrire, lui demandai-je avec empressement.

 

« Ecris assis par terre à la lumière du jour » me répondit-il en extirpant de sa poche une liasse de feuillets brunis reliés par une ficelle. Il y pendait un bout de crayon à papier mal taillé. La chaleur de ses doigts  me tenailla la chair au moment où il me donnait le nécessaire de la main à la main. Préviendrait-il ainsi le moindre de mes désirs, tous les jours jusqu’au dernier ? Pourquoi, alors, me déniait-il le droit de sortir d’ici ? Pourquoi ne me guidait-il pas vers la lumière et la liberté s’il était, selon toute vraisemblance, un homme de Dieu ? Pourquoi m’était-il impossible, voire interdit, de le suivre là où il allait ? Du reste où allait-il quand il me quittait. Où vont les hommes d’église quand ils quittent l’autel. Est-ce qu’il avait soif, est-ce qu’il avait faim, est-ce qu’il était fatigué, est-ce qu’il souffrait autant que moi ? Où n’était-il plus du tout humain depuis bien longtemps déjà ?

 

Qui était-il et que me voulait-il. A quel titre s’arrogeait-il le droit de me manipuler comme une marionnette de chiffons ? Je sentais son empoigne à l’intérieur de moi, brutale et sensuelle à la fois. Il faisait de moi ce qu’il voulait.

 

- Mon Dieu, murmura-t-il en me devinant pris dans la tourmente des questionnements, ne te torture pas autant, laisse venir à toi la lumière du jour et l’étoile du matin. Simplifie-toi !

 

- Ne me suis-je pas déjà assez simplifié !? lui retournai-je, écartant les bras en signe de renoncement. Hein ? Qu’est-ce qui me reste ? Je n’ai plus rien à moi, rien. Je suis seul et condamné à rester ici sans même savoir pourquoi ! Tu m’as pris ma vie ! lui criai-je de ma voix la plus rauque, et tu veux que je me simplifie !? Que peux-tu me prendre encore ?

 

« Ma peau ? » lui suggérai-je dans un ricanement révulsif et me ressaisissant avec un subit effroi : « Mes pensées, mes souvenirs, mes rêves ? C’est ça que tu veux, me vider la tête pour t’installer à ma place et vivre ma vie à ma place ? »

 

Et tandis que j’entrais en crise, le soleil se levait. La blancheur du ciel à l’aube, par le carreau minuscule, s’installait confortablement dans mes trois mètres carrés de mansarde et rafraîchissait mes fièvres nocturnes. Il n’y avait pas d’âme errante rôdant autour de nous. Sur le palier, des serrures cliquetaient et des portes claquaient. « Je croyais que nous étions seuls vous et moi » lui fis-je remarquer en me raidissant. « Nous l’étions à l’instant, dit-il avec un certain détachement. La roue tourne. »

 

[A suivre]

 

Si vous avez manqué le début → Amor, roman, 2010.

Cliquer ici.

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