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Le blog de Thaddée

"Ce qui parle le mieux de nous, ce n'est pas ce que nous disons, c'est ce que nous faisons. Je fais des livres qui parlent de moi sans le dire." TS | Actualité OB Kiwi et plates-formes de blogs, Déco blogs, Balades à Sète, Chroniques lyonnaises et fidésiennes, Escapades, Histoires de chats et d'oiseaux, Littérature, Photographie, Société, Poupées, Tricot, La vie ... Communauté : "Victor & Victoria", esprit shabby chic, romantique et cosy.

Amor, 1ère partie Chap.III (suite1)

Publié le 2 Novembre 2010 par Mosca in Roman 2010 Amor

Moi, j’étais nu.

 

- Tu commences à te familiariser avec ton nouvel habitat me dit-il en souriant un peu mystérieusement. Comment le trouves-tu ?

 

- Je ne sais pas répondis-je sans force en grattant par terre les échardes qui trouent la peau sous l’ongle. Bleu. Noir. Carré. Petit.

 

- Mais y vient à ta rencontre ta famille défunte.

 

- Comment le sais-tu.

 

- Moi aussi, dit-il à voix très basse, j’y suis assez souvent.

 

Je hochai la tête en guise de réponse. Toutes ses messages codés ne me déconcertaient plus autant qu’une semaine ou quinze jours plus tôt.

 

Le temps. Comment peut-on mesurer le temps dans une boîte où n’alternent qu’avec une extrême lenteur le jour et la nuit ? Tout s’était si ralenti. Moi, comme le reste, au passage. Il ne me paraissait plus nécessaire de défendre avec l’âpreté des mauvais jours ce qui était, de toute évidence, définitivement perdu. J’écoutais la résonance creuse des caisses de bois que furent, jadis, les horloges quotidiennement remontées. Si Dieu, si Pierre ne remontaient plus les horloges, alors moi non plus je ne voulais plus ni remonter le temps non plus qu’aller de l’avant. J’étais le caillou sec jeté dans la mare bleue de ma fenêtre et qu’on me laisse discuter avec les morts, c’était là mon ultime prétention. C’était là, mon ultime privilège.

 

- Je t’aurais cru du genre à tendre l’autre joue décrétai-je alors sans crier gare. Manifestement, je me trompais.

 

Pour le coup il resta silencieux, la tête inclinée vers le sol et les yeux baissés. Je ne lui connaissais pas encore cette fausse humilité.

 

- Si je t’avais frappé une seconde fois, renchéris-je soucieux de lever le voile de ses yeux dorés, est-ce que tu te serais défendu ? Ou bien ne fais-tu que t’enfuir dès que tu perds le contrôle de la situation.

 

- J’étais avec toi tous ces jours affirma-t-il sans se départir de son calme. Mais tu ne me voyais pas.

 

- Où ça tu étais avec moi ripostai-je farouchement contrarié qu’il continue de me prendre pour un imbécile. Tu veux dire que tu couchais avec moi tous les jours et toutes les nuits sur cette vermine de plancher ? C’est ça que tu dis Pierre ? Qu’à mon insu tu pénétrais l’intimité de mes réflexions personnelles sur le non-sens de la vie ?

 

Il se mordilla la lèvre avant de se lever pour toucher, du plat de la main, la vitre froide. Il y tint longtemps plaquée sa paume ouverte en me regardant par-dessus son épaule droite comme pour me narguer. Et il était si grand, si noir à contre-jour, que je ne savais plus trop à qui j’avais affaire, un officiant de messes noires ou vraiment un homme saint. Ses cheveux épars, naturellement torsadés et luisants, déversaient des nichées de couleuvres ondulantes entre ses omoplates.  J’aurais voulu mettre la main dans ce nid de serpents, les serrer dans mon poing, tirer dessus de toutes mes forces pour le forcer à plier le genou, l’amener à se traîner à mes pieds pour me demander pardon du mal qu’il me faisait sans même s’en rendre compte, rien qu’en respirant près de moi. La grandeur du personnage me tournait la tête. S’il me l’avait demandé, je me serais mis à prier sans connaître un traître mot de la moindre prière.

 

[A suivre]

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A
<br /> <br /> La nudité de l'Arpenteur n'est pas que physique, elle est aussi dans le dépouillement de tout ce qu'il a été, de tout ce qu'il a possédé. Il semble n'être plus rien mais je pense que sa nudité<br /> n'est qu'un état intermédiaire.Cette non-vie qui lui est imposée va forcément le mener ailleurs et cet ailleurs dépendra de sa capacité à assumer cette difficile étape ! Voilà ce que je ressens<br /> mais  je me trompe peut-être, sûrement même !<br /> <br /> <br /> En tous cas, je le vois "vivre" dans son trou à rats, entre renoncement et sursauts de colères. Il a encore du chemin à parcourir le pauvre !<br /> <br /> <br /> Et moi, pauvre lectrice qui me perds en conjectures, je me pose des tas de questions en attendant que, petit à petit, tu me, tu nous distilles la vérité. Et....je suis aux anges malgré tout !<br /> <br /> <br /> Bizz Ma belle et merci de continuer à nous faire brûler dansl'enfer du suspens<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Le prochain chapitre... mais chut, allons, mosca, tu ne vas pas tout dévoiler ! ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> ce n'est pas toujours facile de commenter un extrait de roman, même s'ils sont publiés dans une suite logique depuis la première page, là je dirai qu'il reste cette atmosphère oppressante<br /> suréaliste...depuis le début il n'y a pas de temps mort dans cette unique pièce, l'histoire suit son chemin en étant toujours dans l'attente d'un indice sur le pourquoi...c'est sans doute plus<br /> délicat à écrire quand il n'y a pas beaucoup de mouvements de personnages ni de paysages ou de lieux diverses...sans cirer les pompes, le style d'écriture donne envie de suivre ce roman...<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> C'est vrai que ce n'est pas facile d'écrire "quand rien ne se passe" mais j'ai l'habitude des huis-clos, c'est ce que je préfère, et toute ma littérature s'est peu à peu resserrée autour de ces<br /> duels, autour de ces espaces/instants uniques. Merci pour ce regard Chris, bonne soirée. <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> C'est vraiment une lecture très spéciale mais que ce que c'est bon, les personnages sont vraiment très interessants.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Merci Amaury, j'espère que la suite ne te décevra pas. Bonne soirée à toi.<br /> <br /> <br /> <br />