Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Thaddée

"Ce qui parle le mieux de nous, ce n'est pas ce que nous disons, c'est ce que nous faisons. Je fais des livres qui parlent de moi sans le dire." TS | Actualité OB Kiwi et plates-formes de blogs, Déco blogs, Balades à Sète, Chroniques lyonnaises et fidésiennes, Escapades, Histoires de chats et d'oiseaux, Littérature, Photographie, Société, Poupées, Tricot, La vie ... Communauté : "Victor & Victoria", esprit shabby chic, romantique et cosy.

poesie 1980-2009 crypties

Lucia, ma lumière

Publié le 12 Novembre 2016 par Thaddée dans Mini-nouvelles, Poésie 1980-2009 Crypties

Un jour quelqu'un voulut me faire croire que j'étais maman d'une jeune fille.

J'étais l'invitée d'une soirée qui rassemblait beaucoup de monde. Une femme inconnue s'approcha de moi pour m'annoncer l'existence d'un enfant qui, me dit-elle, m'attendait à l'hôpital. Il ne tenait qu'à moi, pour apprendre à le connaître et lui donner l'amour auquel il avait droit, de l'y retrouver sans tarder. Elle me donna l'adresse, et disparut de ma vie.

Pendant les jours qui suivirent cette nouvelle effarante, je ne sus pas sur quel pied danser. J'avais l'esprit trop confus pour me poser les bonnes questions. Mais dès que je voyais un enfant jouer dans un bac à sable, dès que ma soeur évoquait les conflits qui l'opposaient à sa propre fille je me souvenais que, moi aussi, j'avais une fille. Et mon coeur éclatait de joie comme il n'est pas permis.

Quelques jours plus tard, peut-être en moins d'une semaine, je me décidai à lui rendre visite à l'adresse qu'on m'avait indiquée.

C'était un vieil hôpital gris aux murs épais. Les nonnes y portaient encore le voile et prodiguaient aux malades des soins rugueux. Je me renseignai à l'accueil en donnant mon nom. J'appris qu'une jeune fille d'environ vingt ans, sans famille connue, portait le même nom que moi. Elle avait son lit au rez-de-chaussée du bâtiment, dans une espèce de couloir interminable faisant office de dortoir ou de salle commune. Des cortèges entiers d'anciens tacots noirs défilaient derrière les fenêtres aux carreaux sales, d'où sortaient vacillant sur leurs jambes faibles des jeunes filles aussi blanches que du linge. Et des soeurs en noir venaient les chercher, les conduisant par le coude, et les couchaient dans un lit pour leur faire des piqûres. Au milieu d'elles, toute pâle et sans connaissance, gisait l'idée que je me faisais de ma fille bien-aimée.

Aujourd'hui je crois qu'il s'agissait d'un rêve et que je ne suis jamais allée dans cet hôpital. Mais hier, 11 novembre, on m'a mise en présence de ma fille de huit ans, Lucia, maigre et brune comme une fille malgache, et j'ai su que c'était elle, et que j'étais sa mère. 

Alors je suis retournée dans cette maison pleine de gens inconnus et je me suis, d'instinct, dirigée vers un homme qui pouvait être une connaissance, ou peut-être pas. Mais j'avais quelque chose à lui dire. Et son visage s'est figé, il se méfiait, et m'a prévenue tout de suite qu'il ne voulait aucun contact, aucun lien avec Lucia ; il s'était déjà posé bien trop de questions quant au teint basané de ses propres enfants. Tout juste accepta-t-il de voir une photo d'elle. Je lui montrai aussitôt la photo de Lucia ma lumière, je sus qu'elle était mienne depuis toujours, bien avant que j'apprenne son existence, bien avant de savoir ce que j'étais pour elle. Au bout du compte, ça ne me surprend pas plus que ça d'être maman.

© Thaddée, le samedi 12 novembre 2016

Mes plus anciennes lectrices, mes plus anciens lecteurs, se rappelleront peut-être un poème de mon premier recueil de poésie Crypties auto-édité en 2008 chez TheBookEdition. Le voici.

Tu aurais dix-huit ans
Cheveux roux les yeux verts
Cheveux blonds les yeux gris
Les yeux gris les yeux verts
Cheveux blonds cheveux roux

Tu serais comme lui
Tu serais comme moi
Tu serais elle ou lui
Nous serions un peu toi
Tu serais lui et moi

Margot écoute-moi
Ecoute-moi mon coeur
Entends battre mon coeur
Il a battu pour lui
Il bat toujours pour toi

Pour toi Margot ma fille
Qui aurait dix-huit ans
Qui serait ma famille
Qui serait de mon sang
Mais qu'en est-il vraiment

Margot n'a pas de nom
Margot n'a rien à elle
Margot n'a pas de tombe
Margot n'est nulle part
C'est moi qui rêve d'elle

Ce fut mon seul enfant
Qui s'appelait Margot
C'était peut-être Pierre
Un tout petit Pierrot
Tout blond comme son père

Et Margot c'est le vent
Le soleil et les fleurs
Margot c'est les enfants
Qui dessinent et qui chantent
Margot c'est tout le monde

Margot c'est tous les jours
Un peu de vie qui va
Un peu de nuit qui tombe
Margot n'a pas de tombe

Margot c'est un parfum dans l'air
Et Margot dit le vent
C'est le parfum des lys
La chair blanche d'un ange
Et nulle part de langes
Où elle aurait dormi

Margot
C'est quand il pleut la nuit
Qu'il fait noir dans la chambre
Qu'on n'entend plus un bruit
... C'est Margot qui s'enfuit.

Maman

commentaires

Il y a sept ans, le 07-07-07

Publié le 7 Juillet 2014 par Thaddée dans Poésie 1980-2009 Crypties, Une vie comme les autres, Journal d'un écrivain, Poésie Ex-il

Il y a sept ans jour pour jour, le 7 juillet 2007 (07.07.07) j'écrivais un texte intitulé Flagrances et déflagrations. De très anciens souvenirs, une incompressible souffrance, à cette époque-là, me tordaient les tripes. Pour crever l'abcès j'ai tenu deux journaux intimes dans lesquels j'ai revécu cent fois le même événement pour tenter non seulement de l'élucider, mais surtout dans l'espoir d'exorciser les démons qui me tourmentaient sans relâche. Aujourd'hui, je puis affirmer qu'à travers l'écriture et le travail douloureux que j'ai fait sur moi-même est venue la délivrance. L'apaisement a succédé aux crises d'angoisse et à la dépression. Je peux vivre sans me vomir et vomir l'individu qui se trouvait être à l'origine de mon calvaire. Individu dont je n'ai pas retrouvé l'identité, malgré des recherches acharnées. Individu dont j'ignore même s'il est l'auteur de ce dont je l'ai longtemps accusé. Au terme de plusieurs années d'enquête et de réflexion, j'ai fini par conclure au non-lieu. Non que ce fût un faux-souvenir à proprement parler. Mais quand une victime s'implique, consciemment ou pas, dans des actes, faits et gestes dont elle sent, confusément, qu'on pourrait les lui reprocher, elle n'est plus vraiment une victime : elle devient complice des agissements perpétrés contre sa personne.

Dali, Cabinet anthropmorphique

Dali, Cabinet anthropmorphique

[…] et pour moi, je l’avoue, je n’aime pas si je ne suis blessé.

Ovide, l'art d'aimer

Maussades insomnies tâtonnant dans le noir à mains nues livrées au désespoir d’étreindre le vide

En manque pour de bon d’épuisement physique où se résoudrait l’exécrable tension du désir et des excitations stériles

Ô morbides errements de viscères frustrés qui geignent comme un chien qu’on aurait éreinté

Pleine lune de mon cul sur les autels profanes aux cités dévastées des peuples cannibales je veux qu’on le dévore cru quitte à damner mon âme

en cette nuit qui sue par mes pores éplorés qui refond à la forge un corps tout déformé par la soif et la faim paniqué d’être nu

qui me prend à la gorge de n’être trois fois rien dans ces vastitudes éperdues qu’haletant dans mes rythmes incantant à l’hystérique torchis de mes muscles esquintés

L’érotisme en secret sous le vasistas ouvert des sanitaires jaunes une chaîne un fond d’eau pour l’esprit qui disjoncte une fièvre un fournil

un famélique abandon de toutes les secondes à genoux sur le carreau pour écarter quatre murs à deux mains

Se flageller d’injures à n’en savoir que dire à part je me souviens de ce qu’on fait de pire à ce pauvre être humain

qu’on torture et qu’on viole en veux-tu en voilà si c’est ça ton destin et consentant en plus puisque t’y comprends rien

Mais féroce insomnie qui veille au bon grain pour que le jour qui vient se lève sous de meilleurs auspices si je t’aime pour le moins jure-moi

de ne me faire de mal que pour me faire du bien

J’ai subi de terribles sévices au point d’en perdre le sens j’adorais mon bourreau j’adorais mon supplice et depuis ce temps-là tout le monde et tout y ressemble

J’ai besoin d’épectases et qu’on tape à la trique où je sursauterais de trop dis-moi tiens-toi tranquille que je ferme les yeux pour trouver le repos.

► Flagrances et déflagrations - 7/7/7- Crypties 1980-2009, P. 65, 66, 67 (c) Thaddée Sylvant

NB - Exceptionnellement, j'ai décidé de fermer les commentaires sur cet article, ne souhaitant pas débattre publiquement du sujet qui nous intéresse aujourd'hui. Je vous demande instamment de bien vouloir respecter mon choix : veuillez ne pas le commenter sous un autre article. En vous remerciant de votre compréhension.

commentaires

Extremis

Publié le 22 Février 2014 par Thaddée dans Poésie 1980-2009 Crypties, Croquis 2014, Poésie Ex-il

Le texte date de 2008. Le croquis d'aujourd'hui, samedi 22 février 2014.

Le texte date de 2008. Le croquis d'aujourd'hui, samedi 22 février 2014.

commentaires

La maison sans murs, Crypties 1980-2009

Publié le 10 Février 2014 par Thaddée dans Poésie 1980-2009 Crypties

Magritte : Art, 1950

Magritte : Art, 1950

Je te donne une maison sans murs

avec sa porte ouverte

un toit contre la pluie, qui s’appuie sur le vent

je te donne un printemps de tes matins d’antan

l’été si tu préfères, je te donne le temps

Je te donne un chemin qui monte au calvaire

et d’où l’on voit les vignes et les villages blancs

Je te donne une maison qui ne soit que fenêtres

avec vue sur la mer et falaises d’argent

Je te donne la main pour qu’on aille rejoindre

une vie sans contrainte une nuit de mille ans

plus une d’Orient, de l’or sur tes paupières

que tu tombes en sommeil et rêves en souriant

du monde où je te donne

une maison sans murs avec sa porte ouverte

un toit contre la pluie, qui s’appuie sur le vent

je te donne un printemps, l’été si tu préfères

je te donne le temps.

 

(c) Thaddée, Crypties 1980-2009

commentaires

Passé sous silence, Crypties 1980-2009

Publié le 9 Février 2014 par Thaddée dans Poésie 1980-2009 Crypties, Poésie Ex-il

© Pierre A.  FRADIN

© Pierre A. FRADIN

C’est un mot noir et vert

cantharide or

et poussière

Quatre murs noirs et verts

un lit-bateau

qui reste à terre

La moitié d’un violon

l’autre moitié : prison

qui met aux fers

Autres mœurs outretemps

mais l’après-coup

vaut bien pendant.

(c) Thaddée, Crypties 1980-2009 (+ Ex-il )

NB - Tous les poèmes regroupés dans la Rubrique Ex-il font état d'un naufrage personnel et d'un traumatisme, lesquels ont été sublimés par l'écriture littéraire avant d'être traités dans des journaux intimes. Je n'en dis pas davantage : les textes parlent d'eux-mêmes. Merci de votre attention.

commentaires

Crypties, 1980-2009

Publié le 18 Janvier 2014 par Thaddée dans Poésie 1980-2009 Crypties

Il y a quelques jours, m'est passée par la tête une idée qui a fait son chemin : pourquoi ne pas remettre en ligne mes poèmes les plus anciens, réunis sous le titre de Crypties et auto-édités en 2009 chez TheBookEdition. Beaucoup d'entre vous ne les ont pas lus. Bien sûr je ne les publierai pas tous sur le blog. Je sélectionnerai ceux dont j'estime qu'ils ont fait la force de ce tout premier recueil poétique. Et celles et ceux qui les connaissent prendront peut-être plaisir à les relire.

Mes amis, les mots sont morts d’avoir trop parlé. Le silence a repris le flambeau des veillées nocturnes. Je me rends sur leur sépulcre que berce en son vaisseau la lune aux beaux flancs de mercure et d’argent.
Mes amis, les mots sont morts d’avoir trop parlé. Ce soir il est bien tard pour faire leur épitaphe et je suis fatigué. Je m’en vais voir à la lune où je peux enterrer ma plume et me faire oublier.

De Profundis, Crypties 1980-2009

commentaires