Combien de mois de semaines ou de jours
Combien d’heures à passer avec toi ?
La mort frappe à ta porte
La peur frappe à la mienne.
Pleurer ne sert à rien.
L’espoir, peine perdue.
Peut-être des prières ?
Non pas pour un miracle
Mais pour que tu ne souffres pas trop.
C’est tout ce qu’on peut faire.
Alors je prie
Sans espoir
Et sans pleurer.
∞∞∞∞
C'était au mois de Mai ou Juin de cette année...
Cinq ans sans se voir. Je viens de lui rendre visite à l'hôpital. Il tient le coup, mais il dit que si on ne fait rien pour
soulager la douleur, il boira à s'en faire péter le foie.
Il n'a pas beaucoup changé. Peut-être est-il plus songeur à certains moments. Il parle de la mort, mais il en a toujours parlé. Il
dit : "Après l'hôpital la prison. Après la prison, le cimetière". Ça le fait rire. Moi aussi.
Nous déambulons, tous les deux aussi maigres l'un que l'autre, dans des labyrinthes de corridors d'une propreté impeccable. Il
me montre un bassin fleuri rempli de poissons rouges au bord duquel il vient fumer la nuit quand il ne peut pas trouver le sommeil tant il souffre. Après un détour par la
cafétéria nous nous trouvons un banc à l'ombre, et nous nous racontons nos vies. Lui, avec sa maladie. Moi, avec mes problèmes de logement. Nous n'arrêtons pas de rire et de parler.
Depuis trois ans et demi il ne passe pas une seule nuit réparatrice. Depuis des années il s'accroche, il croit qu'il va s'en
sortir et reprendre sa vie comme avant.
Il est musicien. Sa guitare, à l'hôpital, lui manque. C'est la seule chose qui le maintienne en vie, sa musique. Pour lui c'est
plus qu'une passion. C'est une nécessité.
Nous nous sommes séparés dehors, devant l'entrée de l'hôpital, moi en lui souhaitant bon courage, lui en me remerciant de ma
visite. Je l'ai regardé monter l'escalier qui conduit aux bâtiments. Il est si maigre, et dégage une force lente et tranquille. Il ne s'est pas retourné pour me faire un signe de la main.
C'est la première fois.
Nous avons peu évoqué le passé, et pas du tout les années de séparation et de silence. C'est lui qui a repris contact au début du
printemps pour m'annoncer qu'il était malade. Les jours suivants j'étais sous le choc. Je n'avais pas compris la gravité de la situation.
Maintenant j'ai compris.
Je le regarde au présent, pas au passé. Ce que nous avons fait ensemble à l'époque n'a plus lieu d'être. Il s'agit moins de
retrouvailles que d'une première rencontre avec assez de complicité pour se marrer tous les deux comme des baleines. On se connaît bien, mais sans se le dire. On n'a plus besoin de dire quoi que
ce soit. On sait.
Être ensemble dans le parc de l'hôpital, à l'ombre des arbres sur un banc, ça ressemblait au bonheur qui nous a salement doublés il
y a cinq ans. Rien ne nous pressait cet après-midi. On savourait la vie.