Ensemble
Je vous le dis mes amis, nous vivons des moments forts de notre histoire. 300 000 personnes à Lyon. 2 millions à Paris. Une mobilisation exceptionnelle, dans le plus grand calme, avec un message fort à faire passer : non au terrorisme.
Arrivée à 13:30 à Grange-Blanche. Je suis avec ma soeur. Nous attendrons 1 heure 30, debout, immobiles, attendant que le cortège s'ébranle.
Les chiens aussi. Les chiens sont Charlie.
Une image forte : Je suis Charlie, avec le poing serré. Nous le sentons autour de nous, en nous : il faut que ça sorte, après une semaine de cauchemar. Nous avons besoin d'extérioriser nos émotions, nos sentiments, et d'affirmer notre détermination.
De nouvelles personnes arrivent de tous côtés. Quelqu'un distribue des auto-collants Je suis Charlie à coller sur nos vêtements.
Des messages émouvants s'affichent un peu partout, qui nous rappellent à tout instant ce qui s'est passé d'effroyable dans les locaux de Charlie Hebdo. Certains visages sont graves. D'autres ont le sourire. Nous sommes tous fiers d'être là, ensemble, unis par un formidable esprit de solidarité.
Les crayons font leur apparition, symboles de la liberté d'expression, cela même que nous sommes venus défendre aujourd'hui.
Ils sont partout, sur les terrasses, les toits, les balcons, accrochés aux grilles, à regarder passer le défilé tandis qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire : comme un bruit de mer, du vent dans les feuilles, de la pluie qui se met à tomber, déferle une salve d'applaudissements. Plus ou moins scandés, ils rythmeront notre marche, ils seront le langage universel de ce grand mouvement de solidarité.
Nous sommes Charlie, nous sommes musulmans, nous sommes juifs, nous sommes policiers.
Des jeunes, grimpés sur le toit d'une baraque, exhibent un drapeau français sur lequel est écrit un message, je ne me souviens plus duquel.
Nous arrivons à Bellecour au soleil couchant. Les applaudissements se font de plus en plus forts, c'est incroyable ce qu'on peut ressentir dans ces moments-là.
Un hélicoptère tourne au-dessus de nous, sans relâche. Avec les soleil couchant sont arrivées les mouettes, que je n'ai pas eu le réflexe de photographier, un spectacle éblouissant aux feux du soleil.
Nous sommes sur la place Bellecour. Les derniers ... n'ont toujours pas quitté Grange-Blanche, tant nous sommes nombreux. Nous venons d'apprendre que nous sommes 300 000. Une rumeur d'allégresse monte de la foule.
Le défilé est obligé de se disperser pour permettre aux suivants d'arriver sur la place Bellecour. Ici, nous chanterons La Marseillaise, tant bien que mal, mais le coeur y était.
Nous devions rejoindre le quai Tilsitt pour rendre hommage aux otages juifs abattus par un terroriste mais le cortège était dispersé, difficile de se repérer, nous avons quitté les lieux, à pied, parce que le métro, gratuit entre midi et 18 heures, était pris d'assaut.
Je n'oublierai jamais cette journée, et je souhaite qu'elle ne s'efface jamais de nos mémoires. C'était une journée historique, une journée pour dire que nous n'avons pas peur, que nous sortons en masse pour défendre notre liberté d'expression, et que nous sommes tout prêts à recommencer.